L’homme n’est pas un animal raisonnable comme l’affirme le vieux lieu commun […] L’homme est un animal fou (qui commence par être fou) et qui, aussi pour cela, devient ou peut devenir raisonnable. C. Castoriadis, L’institution imaginaire de la société. La thèse qu’on essayera ici de démontrer est la suivante: il est possible d’isoler dans la pensée de Cornelius Castoriadis une inconséquence entre une certaine conception du temps et une certaine configuration de l’identité. En d’autres termes, la critique de la figure de l’individualité que Castoriadis développe sur la base de sa théorie du social-historique ne peut pas être conjointe à la figure de l’identité humaine qui dérive de sa conception du temps. Il y a dans notre thèse une présupposition relative à l’existence d’un lien entre expérience du temps et configuration d’identité. Toutefois, cette présupposition n’est pas arbitraire puisqu'on peut la rencontrer chez Castoriadis lui-même. Nous développerons notre thèse en trois temps. Nous rappellerons d’abord la critique que Castoriadis adresse à la notion de sujet, dont la réalité est interprétée comme individualité. Puis nous analyserons la notion de temps que développe Castoriadis. Chez ce dernier en effet, le temps est une notion définie d’une part comme institution sociale, c’est-à-dire comme institution culturelle, en tant qu’acte humain de signification; d’autre part, la notion de temps définit la succession temporelle comme un objet, c’est-à-dire comme une réalité (naturelle) en soi, marquée par l’altérité radicale de chacun de ses instants – présent, passé, futur. Enfin, nous essayerons de tirer les conséquences que cette conception du temps entraîne pour la figure de l’identité et pour l’aporie que nous pensons pouvoir isoler chez Castoriadis – puisque la conception de l’altérité radicale des instants de la succession temporelle renvoie à l’interprétation de l’identité humaine comme individualité. Cette aporie est issue de l’ambivalence qui marque la conception castoriadienne du temps. Pour Castoriadis, le temps est d’une part reconnu – en tant que variable de l’œuvre de la signification humaine – comme une réalité symbolique et comme un facteur de configuration de l’identité humaine. D’autre part, le temps est caractérisé comme une réalité objective, en tant que processus irréversible marqué par la nouveauté de chaque instant par rapport à celui qui le précède. En d’autres termes, la fécondité de la pensée de Castoriadis consiste non seulement à signaler – avec l’inconséquence que l’on peut isoler entre sa conception objective du temps et sa critique de l’idéologie individualiste – les difficultés que toute conception objectiviste du temps rencontre, mais elle donne aussi les instruments pour résoudre ces difficultés. Il s’agira d’abandonner la tentative de caractériser le temps comme une réalité en soi et de reconnaître au contraire que le temps est un facteur de configuration de l’identité humaine personnelle autant que collective.

Temps et identitè chez Castproamdis. Une aporie bergsonienne

CASSINARI, FLAVIO ELIGIO OTTAVIO
2006-01-01

Abstract

L’homme n’est pas un animal raisonnable comme l’affirme le vieux lieu commun […] L’homme est un animal fou (qui commence par être fou) et qui, aussi pour cela, devient ou peut devenir raisonnable. C. Castoriadis, L’institution imaginaire de la société. La thèse qu’on essayera ici de démontrer est la suivante: il est possible d’isoler dans la pensée de Cornelius Castoriadis une inconséquence entre une certaine conception du temps et une certaine configuration de l’identité. En d’autres termes, la critique de la figure de l’individualité que Castoriadis développe sur la base de sa théorie du social-historique ne peut pas être conjointe à la figure de l’identité humaine qui dérive de sa conception du temps. Il y a dans notre thèse une présupposition relative à l’existence d’un lien entre expérience du temps et configuration d’identité. Toutefois, cette présupposition n’est pas arbitraire puisqu'on peut la rencontrer chez Castoriadis lui-même. Nous développerons notre thèse en trois temps. Nous rappellerons d’abord la critique que Castoriadis adresse à la notion de sujet, dont la réalité est interprétée comme individualité. Puis nous analyserons la notion de temps que développe Castoriadis. Chez ce dernier en effet, le temps est une notion définie d’une part comme institution sociale, c’est-à-dire comme institution culturelle, en tant qu’acte humain de signification; d’autre part, la notion de temps définit la succession temporelle comme un objet, c’est-à-dire comme une réalité (naturelle) en soi, marquée par l’altérité radicale de chacun de ses instants – présent, passé, futur. Enfin, nous essayerons de tirer les conséquences que cette conception du temps entraîne pour la figure de l’identité et pour l’aporie que nous pensons pouvoir isoler chez Castoriadis – puisque la conception de l’altérité radicale des instants de la succession temporelle renvoie à l’interprétation de l’identité humaine comme individualité. Cette aporie est issue de l’ambivalence qui marque la conception castoriadienne du temps. Pour Castoriadis, le temps est d’une part reconnu – en tant que variable de l’œuvre de la signification humaine – comme une réalité symbolique et comme un facteur de configuration de l’identité humaine. D’autre part, le temps est caractérisé comme une réalité objective, en tant que processus irréversible marqué par la nouveauté de chaque instant par rapport à celui qui le précède. En d’autres termes, la fécondité de la pensée de Castoriadis consiste non seulement à signaler – avec l’inconséquence que l’on peut isoler entre sa conception objective du temps et sa critique de l’idéologie individualiste – les difficultés que toute conception objectiviste du temps rencontre, mais elle donne aussi les instruments pour résoudre ces difficultés. Il s’agira d’abandonner la tentative de caractériser le temps comme une réalité en soi et de reconnaître au contraire que le temps est un facteur de configuration de l’identité humaine personnelle autant que collective.
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